Eric Cantona, Didier Drogba ou encore Socrates se sontprêtés au jeu d’un documentaire qui sort en DVD ce mercredi ! Une belle leçond’humilité .

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« Le foot peut changer le monde ». EricCantona en est persuadé. L’ancienne star de Manchester United l’affirmed’entrée. Pour Canto c’est une certitude. Mais pour le spectateurprofane, cela peut sonner comme une provocation. Le foot n’est-il pasuniquement synonyme de fric ? De transferts indécents ? De jeunes joueursenfants gâtés ? Le spectateur profane se lance donc à la découverte de ces cinqstars du ballon rond dont les histoires vont sérieusement ébranler lescertitudes. Et comme pour montrer que le football rebelle est toujours d’actualité,le film démarre par un joueur d’aujourd’hui, l’ivoirien Didier Drogba.

Contre la partition de la Côte d’Ivoire :

Nous sommes en mars 2007 à Abidjan. Didier Drogba estreçu par la président Laurent Gbagbo pour la présentation de son Ballon d’orafricain. Chemise blanche, Drogba prend la parole timidement et s’adresse àGbagbo : « Monsieur le président, ce ballon appartient à tout lepays. Permettez-moi, s’il vous plaît, d’aller le présenter aussi à Bouaké ».

En 2007, la Côte d’Ivoire est un pays en guerre, unpays coupé en deux et Bouaké n’est autre quela capitale des rebelles, ceux qui ont décidé de mettre fin au régime deLaurent Gbagbo ! La demande semble d’ailleurs surprendre le Chef de l’étativoirien. Mais quelques semaines plus tard, Drogba et la sélection ivoirienneseront à Bouaké pour y rencontrer Madagascar. Une victoire très large : « cinqbuts pour effacer cinq ans de guerre » titrera Fraternité Matin. Un peu trop enthousiaste sans doute puisque la guerre dureraencore quelques années, mais n’empêche : Drogbaincarne aujourd’hui le footballeur qui a dit « non » àla partition de son pays. Son compatriote, le chanteur Tiken Jah Fakoly rendhommage à celui qui, après les artistes engagés, a ouvert la voie auxfootballeurs engagés. Un phénomène « nouveau et fort » d’aprèsle chanteur.

Contre la dictature chilienne :

L’homme n’est plus tout jeune. Tantôt souriant, tantôtgrave et songeur. Carlos Caszely a payé très cher son engagement contre ladictature militaire d’Augusto Pinochet (1973-1991). Ne pouvant s’en prendre àlui, la junte s’est attaquée à sa mère. Dans un message télévisé destiné à lacampagne pour le référendum de 1988, lafemme racontera son calvaire en occultant certains détails « par respectpour (ses) enfants et (sa) famille ».

Carlos Caszely ne vit pas au Chili lors du coup d’étatdu 11 septembre 1973. Il joue en Liga, le championnat espagnol. Opposition àdistance mais quand il rentre dans son pays, Carlos Caszely ne se tait pas.Témoignage, ce jour où l’équipe nationale est reçue par le dictateur. Revued’effectif : le général Pinochet serre les mains des joueurs. Caszely refuserade lui tendre la sienne. Une bravade ? Une « obligation » pourCarlos Caszely qui estime à cet instant avoir « un peuple derrière (lui) ».

Caszely nous conduit aussi dans le Stade national,lieu-clé des premiers mois de la dictature. Après le coup d’état, l’endroit estainsi reconverti en camp de concentration où des milliers d’opposants sontinternés, torturés. Nombre d’entre eux disparaîtront.

Le stade sera également le théâtre d’une rencontre ubuesque.Deux semaines après la mort d’Allende, l’URSS décide de boycotter un matchcontre le Chili dans le cadre des éliminatoires de la coupe du monde.Qu’importe : la Fédération Internationale de Football (FIFA) maintient larencontre. Le onze chilien est donc seul sur le terrain et marque son butqualificatif. Carlos Caszely raconte qu’après ce but, les joueurs sontallés saluer la seule tribune vide du stade. Celle des « disparus de ladictature ».

Contre la guerre d’Algérie :

En 1958, Rachid Mekhloufi a 22 ans. A Saint-Etienne,il est l’un des plus talentueux joueurs du championnat de France, l’un desgrands espoirs de l’équipe tricolore également. Pourtant, une nuit d’avril1958, le jeune homme renonce à cet avenir tout tracé : avec plusieurs de ses camaradesalgériens, il quitte clandestinement la métropole via la Suisse direction laTunisie puis l’Algérie en guerre. Les jeunes footballeurs rejoignent le FLN et créent uneéquipe d’Algérie, un onze indépendant. Quatre ans avant la fin de la guerre etl’indépendance, l’acte est profondément politique : il s’agit de montrer à laFrance coloniale la force du mouvement indépendantiste. Là encore, lesinstances internationales du football vont s’illustrer. Sous pression de laFrance, la FIFA ne reconnait pas cette équipe FLN. La sélection va toutefoisorganiser une tournée internationale. Des matches destinés à faire parler de lacause algérienne et de la guerre qui se déroule dans ce qui est encore undépartement français. L’équipe FLN disparaîtra en 1962 lors del’indépendance. Rachid Mekhloufi, persona non grata sur le sol français,rechaussera les crampons en Suisse. Sa carrière s’achèvera en Algérie. Il estaujourd’hui un vieux monsieur qui raconte cette incroyable histoire avec uneinfinie simplicité.

Contre le nettoyage ethnique :

L’homme est « triste et mélancolique »quand il marche dans ce cimetière surpeuplé de Sarajevo. Il faut dire qu’avantd’accueillir les morts de la guerre de Bosnie, l’endroit était un terrain dejeu. L’endroit où, enfant, Predrag Pasic a appris à jouer au ballon etdécouvert sa vocation. Son histoire est intimement liée à celle de l’implosionde la Yougoslavie et du découpage d’un pays multi-ethnique en »entités » abritant des populations irréconciliables. 

Lors du siège de Sarajevo qui pendant trois ans etdemi a accompagné la guerre de Bosnie, Pasic n’a pas voulu partir. Le cluballemand de Stuttgart où il avait joué lui offre l’asile, mais l’internationalne veut pas abandonner cette ville où, se souvient-il, toutes les communautésvivaient ensemble, avant la guerre.

Alors Pasic ouvre une école, l’école Bubamara.Là, qu’ils soient serbes, bosniaques, croates. les enfants jouent au foot,ensemble. Quand le sport permet à des enfants de surmonter cet interminablesiège. De ne pas sombrer. De ne pas se laisser détruire.

« Quand tu as perdu ton frère, tu ne cours pasde la même manière que quand tu ne l’as pas perdu ». Cette phraseinouïe, c’est Predrag Pasic qui la prononce. Elle résume l’importance decette école dans un univers détraqué.

Et Pasic nous raconte cette anecdote qui n’en est pasune, tant elle montre la folie de cette guerre : lorsqu’il jouait au FKSarajevo de 1975 à 1985, Pasic avait un coach mental. Un psychologue chargé decanaliser l’agressivité des joueurs. Cette homme s’appelait Radovan Karadzic. Le coach pacifique deviendra lebourreau de Sarajevo.

Pour la démocratie :

« Il n’était pas le meilleur. Mais il était leplus singulier ».Singulière comme l’histoire dans laquelle Socrates a emmenée son club de SaoPaulo.

Imaginez une véritable enclave démocratique au seind’un pays sous dictature. Cette démocratie, c’est la démocratie corinthienne, dunom des Corinthians, le club historique de Sao Paulo. Les joueurs etl’encadrement en font un laboratoire démocratique. Toute décision, y comprisecelle d’arrêter le car pour une pause bien naturelle, est soumise au vote!

Cette démocratie, Socrates et ses coéquipiersl’affichent aussi très ostensiblement. Le mot est inscrit sur le maillot.Spectaculaire ce jour de finale de championnat où les joueurs déploient uneimmense banderole : « vaincre ou perdre, mais toujours avec ladémocratie ».

Socrates (surnommé le docteur car il suivait desétudes de médecine) était aussi à l’époque le capitaine de l’équipe nationalebrésilienne. C’est donc une vedette qui prend la parole en 1983 pour appeler àl’organisation d’un référendum sur l’élection présidentielle au suffragedirect. Il mettra son éventuel transfert vers l’étranger dans la balance.

La suite sera plus compliquée pour Socrates. Alors quela démocratie s’installe au Brésil, la retraite du joueur est douloureuse.Alcool, maladie. Socrates est mort en décembre 2011.

2011 l’année aussi d’un nouveau titre national pourles Corinthians.

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